Quand la méthode FALC adapte la littérature : le témoignage d’une autrice

On vous expliquait dans cet article comment adapter la méthode FALC à de la littérature.

Maëlle Coudert traductrice Kilema FALC

Découvrez ici l’interview de Maëlle Coudert, autrice et ex-coordinatrice de relecture pour les éditions Kiléma qui s’est formée au FALC pour réécrire Les Malheurs de Sophie, puis Les Petites Filles Modèles (publication prochaine).

 

Qu’est-ce qui est le plus difficile, quand on adapte de la littérature en FALC ?

Le défi principal, c’est que le livre reste intéressant. Qu’on ait des émotions à la lecture. Il faut qu’un livre nous emmène quelque part et le FALC ne doit pas effacer tout ça.

On ne peut pas faire de la poésie en FALC, mais on essaie quand même de garder des images poétiques. On essaie simplement de les rendre possible ou de les expliquer. Personnellement, j’ai beaucoup ri en lisant la version FALC du Médecin Malgré Lui ! L’effet est encore plus direct.

Quel était votre profil avant de vous atteler à ces adaptations ?

Je viens du monde de l’éducation spécialisée. J’ai travaillé avec plusieurs publics, sur le terrain puis en management des équipes. Je connais donc bien ce qu’on appelle par défaut les « publics empêchés ». J’ai toujours essayé de me mettre à la place de l’autre pour comprendre ce qu’il dit, ce qu’il pense, ce qu’il ressent.

Par ailleurs, ma mère était bibliothécaire. Les livres pour enfant, c’était tout un monde, pour moi ! Ça faisait longtemps que je voulais faire autre chose, apporter ma pierre à l’édifice (mais lequel ?)… Alors quand on m’a parlé de FALC et qu’on s’est dit qu’on pouvait inventer un nouveau concept de « FALC littéraire », j’ai trouvé ça génial ! 

Quand on parle de FALC, on parle de dépouillement du langage. Que fait-on du style de l’œuvre originale quand on l’adapte ?

En théorie, le FALC n’a aucun style. Mais on essaie d’en garder quand même dans le FALC littéraire. Dans un texte FALC « normal », on alterne les phrases courtes et longues. Là, il fallait aussi garder le rythme de l’œuvre. Il faut du souffle ! On travaille ça, tout en intégrant aussi des exemples concrets, des images simples pour que le livre continue à nous emmener ailleurs.

Côté vocabulaire, la Comtesse de Ségur n’est plus très actuelle. Ça vous a posé problème ?

Pour commencer, il faut déjà faire une mise à jour du langage et des concepts. En traduisant Les Petites Filles Modèles, je suis tombée sur le mot « soufflet ».  Aujourd’hui, ça ne veut plus du tout dire la même chose. À la place, j’ai parlé de « claque », et voilà. ! Autre choix éditorial du genre : est-ce qu’on peut garder l’idée de « calèche » ou est-ce qu’on parlera plutôt d’une voiture tirée par des chevaux ?

Quand on trouve une bouteille de vin dans le « cabinet de toilette », je prends la liberté de dire qu’on est dans la « chambre ». Il faut simplement contextualiser les choses pour qu’on les comprenne aujourd’hui.

Comment faites-vous avec des mots un peu plus « techniques » qu’on ne peut pas remplacer ?

Il y a des mots comme « la chaux », qui ne relèvent pas du traducteur/auteur puisqu’ils sont essentiels dans l’histoire. Dans ce cas-là, je ne vais pas dénaturer le récit, mais je choisis de l’expliquer. On l’explique donc directement dans le texte et on ajoute une définition dans le lexique, pour que la lecture soit toujours fluide. Par exemple, ici : « c’est une matière dont on se sert pour construire des maisons, qui est dangereuse et peut brûler la peau ».

Le FALC littéraire, c’est beaucoup de définitions. À la fois directement dans le texte et contextualisées (c’est-à-dire qu’on ne met pas la définition du dictionnaire) et aussi à la fin dans un lexique général. Ces mots apparaissent en gras à chaque nouvelle occurrence. De manière à dire au lecteur : si tu as oublié ce que c’était, souviens-toi que tu as la définition à la fin.

Il faut trouver le juste équilibre. On remplace tout ce qu’on peut par des mots simples, pour ne pas abuser des définitions. On veut d’abord respecter une valeur pédagogique. 

Sur des livres qui sont dans le programme scolaire (primaire – lycée), on veut que nos enfants en situation de handicap puissent lire les mêmes livres que leurs copains.

Jusqu’où allez-vous dans l’explication du contexte de l’époque, pour faciliter la compréhension ?

On ajoute quelquefois des phrases pédagogiques qui expliquent les choses. Par exemple, qu’il arrivait que les mamans punissent leurs enfants très durement à l’époque. Que les enfants avaient école à la maison, ou encore expliquer la présence des domestiques.

On présente aussi les personnages principaux à l’avance. On fait un bref résumé de l’œuvre avec une petite présentation qui met le lecteur en condition (sans « spoiler » la fin). On l’aide à se projeter, on lui donne toutes les clés de l’univers dans lequel il va entrer pour qu’il puisse voyager confortablement.

C’est normalement la relecture et la validation par des personnes en situation de handicap (de lecture) qui atteste de la qualité FALC. Comment se passe cette étape ?

Chaque texte traverse énormément d’étapes de révisions. Comme je suis coordinatrice de relecture au sein de Kiléma, mon rôle est d’organiser les premières séances de relecture et de validation du FALC par des salariés en situation de handicap. Et ça, c’est un des grands plaisirs de mon travail : j’ai la réaction du lecteur en direct ! Je crois que nos deux lectrices, Laura et Marine, ont pris du plaisir à lire cette version de la Comtesse de Ségur. On a eu des rires, des moments de peur, de la colère quand Sophie se fait punir injustement. C’est génial (et unique) en tant qu’autrice, d’être témoin de ça. 

 

 

Renseignez-vous ici sur les possibilités de la formation à la méthode FALC


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