À Évreux, « l’accessibilité, ça n’est pas que la voirie »

Depuis la loi de 2005 qui devait rendre les administrations et services publics accessibles à tous les handicaps, très peu se sont mis au niveau. Quand de nombreuses administrations risquent de se faire rappeler à l’ordre en 2024 avec de nouvelles sanctions, d’autres font figure d’élèves modèles. À Évreux, en Normandie, l’accessibilité profite à tout le monde… et pas seulement dans l’aménagement de la voirie.

 

Entretien avec Francine Maragliano, adjointe au maire d’Évreux, en charge du handicap, accessibilité et aide aux victimes,et Nathalie Dionis, coordinatrice des actions vers les personnes en situation de handicap à la ville d’Évreux.

francine MARAGLIANO Nathalie Dionis accessibilité et handicap ville d'Évreux Com access

Qu’est-ce qui est accessible (et pour qui), à Évreux ?

F.M. : « On travaille l’accessibilité à Évreux, au sens large. On s’est aperçu que, quand on parle handicap, les gens pensent d’abord au handicap moteur. Nous avons beaucoup travaillé pour convaincre nos concitoyens que le handicap était autre, et que, 80% du temps, il était invisible. On a d’ailleurs commencé par faire des pancartes dans la ville pour le dire et la Commission Européenne a retenu (et primé) notre travail.

On travaille beaucoup la voirie, mais c’est presque « facile ». On a aussi beaucoup travaillé pour l’orientation des personnes dans la ville et dans nos bâtiments publics (handicap cognitif, troubles visuels et auditifs). On a rendu tous nos postes téléphoniques accessibles aux personnes sourdes, on a travaillé sur le logement, on a œuvré pour que toutes nos collectivités s’adaptent aux habitants et pas l’inverse. »

Et au-delà de l’accessibilité physique ?

F.M. : « Dès qu’on arrive à l’administratif… ça devient compliqué. On a beaucoup de non-lecteurs et beaucoup de handicap avec des déficiences intellectuelles, des troubles cognitifs, des personnes qui ont un vocabulaire assez restreint et n’ont pas accès au vocabulaire administratif… Donc on a travaillé depuis des années sur ce qu’on appelle le facile à lire et à comprendre. On a fait des formations en interne, y compris avec nos élus. »

À quoi vous sert le facile à lire et à comprendre ?

F.M. : « En fait, quand on travaille l’accessibilité de nos documents, on se rend compte de la masse d’informations qu’il faut alléger. C’est comme une notice d’appareil photo : on a 480 pages dont 2 sont vraiment utiles.
Et ce qu’on fait pour notre public spécifique, on sait parfaitement que ça rendra service à nos agents, aux citoyens, aux touristes… Le FALC ne va pas abêtir notre public, au contraire ! Quand un document est trop long, on sait que les gens ne l’ouvrent même pas. Mais si on sait que c’est concis, sans fioritures, qu’on va directement à l’information, là… on prend le temps de lire. »

Qui a été formé au FALC, quelles équipes ?

N.D. : « Au départ, quand la démarche du « Grenelle du handicap » a été lancée, nous avons formé des professionnels du secteur médico-social et des agents de service de la ville d’Évreux (DRH, espaces verts, etc.).

Ensuite, nous avons voulu sensibiliser les professionnels du territoire en lien avec la communication, puis les loisirs, la culture, le sport, etc. Nous travaillons à améliorer l’information dans toutes les offres accessibles sur le territoire.

Ces gens formés au FALC sont devenus comme des ambassadeurs de la démarche, aujourd’hui.

Nous avons aussi créé un groupe de travail sur le Facile à Lire et à Comprendre. Nous travaillons des documents en FALC. Par exemple, nous avons travaillé sur comment rendre accessible la déclaration d’accident de travail pour les agents de la collectivité.

F.M. : Et la prise de conscience est immédiate ! Le handicap n’est pas leur univers, mais dès les premiers pas dans le FALC et l’accessibilité numérique, on voit que ces pratiques professionnelles ne seront plus jamais les mêmes.

Qu’en disent les agents qui ont été formés au FALC aujourd’hui ?

N.D. : « Les retours que nous avons, c’est « on va réfléchir autrement ». Parce que, souvent, on crée un document en ne se posant pas les bons sujets, c’est-à-dire « à qui je m’adresse, pourquoi et de quelle façon ? ».
Souvent, ça crée aussi des prises de conscience. Ils se disent : « ah oui, est-ce qu’on est bien clairs sur le sujet qu’on va poser ? ». Quand on a repris les règlements intérieurs, par exemple, on se demandait ce qu’on voulait dire, dans les documents d’origine ! En fait, quand on fait du FALC, on réinterroge le sens d’un document.

On se rend compte aussi qu’on ne va plus utiliser l’italique sur les panneaux d’information numérique. On évite d’utiliser plein de couleurs qui ne serviront pas à grand-chose pour passer l’information… Les règles de la rédaction claire, compréhensible, ont tout de suite résonné pour ces agents, dont c’est le quotidien. Ils ont compris que, parfois, ils se compliquent la vie en pensant faire beau, esthétique. Ça fait vraiment bouger, au niveau professionnel. Ça allège les choses !

Mais on sent aussi la nécessité d’avoir un interlocuteur Handicap bien repéré pour lancer ou réimpulser la dynamique et remettre le doigt sur le sujet. »

F.M : « En clair, s’il n’y a pas de volonté politique… Le FALC, l’accessibilité, c’est très vite reparti au fond des cartons. »

Com-access forme au FALC les agents de la ville d’Évreux depuis plusieurs années. Si vous souhaitez également former vos équipes au FALC, au langage clair , ou être accompagnée dans une  communication accessible pour tous, contactez-nous ici.  


Haut