FALC : bientôt une nouvelle version européenne des bonnes pratiques ?

Pour écrire ou traduire un texte en FALC (Facile à Lire et à Comprendre) ou en français simplifié, vous suivez votre bon sens, votre sens de la pédagogie, et surtout une série de règles. Faire des phrases courtes, associer des pictogrammes, aller à l’essentiel, etc., ces recommandations ont été mûrement travaillées au niveau européen… il y a déjà plus de 10 ans. Or, en 10 ans, notre façon de parler, d’écrire, d’utiliser Internet et de transmettre l’information a énormément évolué. Il était donc temps que les règles du FALC se mettent à la page !

Le contexte : langue, supports, tout ce qui a changé depuis 2009

Faisons un peu d’archéologie.

La naissance du FALC et du français simplifié remonte officiellement à 2009. Les premières recommandations pour écrire en « facile à lire et à comprendre » sont les fameuses « guidelines » (règles) du Easy to Read, publiées par Inclusion Europe.

Police d’écriture « bâton », texte aligné à gauche, mots simples, exemples, on liste alors tout ce qui permet de rendre un document numérique accessible à la compréhension de tous. On prend en compte les réalités technologiques et celles du langage de l’époque.

Le mot « époque » vous paraît peut-être un peu exagéré ? Après tout, on parle d’une dizaine d’années, pas d’une génération. Les recommandations d’Inclusion Europe sont assez générales et universelles pour ne pas avoir vieilli aussi vite…

C’est en partie vrai… Mais seulement en partie.

Voici un exemple. Les guidelines donnent des consignes pour faciliter l’accessibilité des vidéos sur Internet. Vidéos d’entreprises, sur votre site ou les réseaux sociaux, à l’époque on recommande de ne pas dépasser une durée de 30 minutes.

10 ans après, on considère que, pour garder l’attention de l’internaute, une vidéo ne doit pas dépasser…
2 minutes !

Et cela ne cesse d’évoluer. Depuis les confinements liés à la pandémie, les vidéos pédagogiques de plus de 20 minutes ont retrouvé un succès inattendu. Sauriez-vous prévoir la prochaine tendance ?

Le français change plus vite que vous ne le pensez

Lorsque la technologie évolue, elle bouleverse avec elle nos habitudes de langage. Et depuis 2009, il y a eu du mouvement. Ça ne vous paraît toujours pas si loin ? Souvenez-vous : en 2009, Jean Ferrat, Steve Jobs, Amy Winehouse et Bernard Giraudeau sont encore vivants. Michael Jackson annonce sa tournée d’adieu.

2009, c’est l’adoption de la loi Hadopi, contre le téléchargement illégal et le piratage.

Aux États-Unis, une entreprise nommée Netflix propose de la location de DVD et commence tout juste à faire parler d’elle.

Les Français s’envoient encore plusieurs centaines de textos (voire plus) tous les mois.

Instagram n’existe pas, Facebook ne conquiert que les jeunes générations.  

On ne dit pas « bref » à tout bout de champ, parce que la série « Bref » de Canal+ n’existe pas. En revanche, on entend encore dire « à donf » ou « mdr » prononcé à voix haute.

Cet environnement culturel et technologique a influencé notre façon de parler et d’écrire, et pas seulement en français. Partout dans le monde, on utilise aujourd’hui le verbe « tweeter » quand quelqu’un publie un message court sur Internet… même si ce n’est pas sur la plateforme Twitter.

Qui fixe les bonnes pratiques du FALC en 2022 ?

Les règles du facile à lire et à comprendre sont européennes. Logiquement, il fallait donc une coopération entre plusieurs pays pour réactualiser tout ça.

C’est une entreprise pionnière dans le secteur du langage simplifié qui s’y est attelée, l’autrichienne Capito (filiale d’Atempo). À sa tête, Walburga Fröhlich faisait déjà partie du comité originel d’Inclusion Europe qui publiait les premières bonnes pratiques en 2009.

Le projet s’appelle CCUV, pour « Capito, Compris, Understood, Verstanden ». Il réunit des experts italiens, français, suisses, irlandais et autrichiens, qui travaillent à adapter le catalogue de règles de Capito. Objectif : réactualiser, revisiter, harmoniser et réadapter au contexte actuel.

Mieux encore, ce catalogue, auquel participe aujourd’hui Com’access, servira de support à des formations internationales, accessibles à tous les résidents européens (pas seulement les étudiants), et qui contribueront au partage du FALC. Voire à en faire un vrai réflexe.

Où en est le catalogue des nouvelles règles du FALC ?

Étape 1 : harmoniser les règles réactualisées

Depuis 2009, Capito réactualise régulièrement les règles de simplification des textes… en allemand. C’est justement le problème du FALC : chaque acteur du secteur en Europe travaillait jusque-là de son côté pour s’adapter au contexte de son pays.  

Cette année, le projet CCUV fait appel à des linguistes de plusieurs universités pour traduire les nouveaux critères d’écriture simplifiée en français, italien et anglais.

À nous, experts, de relire ces traductions et de vérifier qu’elles sont bien cohérentes avec nos pratiques, avant de les faire valider par des groupes de tests utilisateurs.

Contrairement aux règles du FALC, ces nouvelles règles sont divisées en 3 niveaux selon les groupes-cibles. Chacun correspond globalement aux niveaux de langues internationaux (A1, A2, B1, C1, etc.).

En équivalence, cela donnerait à peu près :

A1 = Très FALC

A2 = FALC moyen

B1 = Français simplifié

Étape 2 : créer les outils d’une formation commune

Par la suite, ce catalogue international servira à créer les outils d’une formation au FALC commune à tous les pays liés par l’accord Erasmus+.

Étape 3 : aller plus loin dans l’inclusion

Enfin, une fois créés les premiers outils de formation, un programme de formation spécifique pour les personnes handicapées mentales sera créé dans les différentes langues. Ce programme permettra de former des co-formateurs FALC, c’est-à-dire des personnes en situation de handicap qui pourront co-animer des formations FALC. 

Formation professionnelle : la France encore en retard sur ses voisins

Il existe encore très peu de formations au FALC en France, dont la toute première formation certifiante, proposée par Com’access.  

« En Suisse, par exemple, on voit régulièrement des articles d’actualité publiés en FALC sur les sites du gouvernement. En France, on se limite souvent à traduire les communiqués de presse et les pages fixes pour tenir les objectifs d’accessibilité. Proposer les informations en version facile à lire et à comprendre (ou même en français simplifié) n’est pas encore un vrai réflexe. »

Karine Bardary, co-fondatrice de Com’Access.

Les résultats du projet et ses livrables seront disponibles dès le printemps 2024.  


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