Accessibilité numérique : êtes-vous hors-la-loi ?

Savez-vous qui peut utiliser votre site ? Au-delà des petits bugs éventuels, êtes-vous bien lisible et accessible à tous? En d’autres termes, votre site est-il conforme à la loi et donc aux normes d’accessibilité numérique ?  

Cette loi vous concerne peut-être. Si c’est le cas, vous avez tout intérêt à faire le point sur votre accessibilité au plus vite. Cela vous évitera la sanction pénale (amende), mais ce n’est pas le seul – ni le moindre – des risques que vous courez.  

Comment savoir si vous êtes concerné par la loi (et le RGAA 4) ? Quelles sont les sanctions et les risques si votre site ou application ne respecte pas les normes d’accessibilité numérique ? Vérifiez ici où vous en êtes…   

Loi ? Décret ? Référentiel ? Qu’est-ce que le RGAA exactement ?  

On parle du RGAA pour désigner le Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité. Il a été créé en 2009 pour répondre à la loi du 11 février 2005, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.  Depuis, il a évolué pour en arriver aujourd’hui à la version RGAA 4.1.

Extrait du RGAA :  

L’accessibilité numérique consiste à rendre les services de communication au public en ligne accessibles aux personnes handicapées, c’est-à-dire : 

    • perceptibles : par exemple, faciliter la perception visuelle et auditive du contenu par l’utilisateur ; proposer des équivalents textuels à tout contenu non textuel ; créer un contenu qui puisse être présenté de différentes manières sans perte d’information ni de structure (par exemple avec une mise en page simplifiée) ; 

    • utilisables : par exemple, fournir à l’utilisateur des éléments d’orientation pour naviguer, trouver le contenu ; rendre toutes les fonctionnalités accessibles au clavier ; laisser à l’utilisateur suffisamment de temps pour lire et utiliser le contenu ; ne pas concevoir de contenu susceptible de provoquer des crises d’épilepsie ; 

    • compréhensibles : par exemple, faire en sorte que les pages fonctionnent de manière prévisible ; aider l’utilisateur à corriger les erreurs de saisie. 

    • et robustes : par exemple, optimiser la compatibilité avec les utilisations actuelles et futures, y compris avec les technologies d’assistance. 

Que dit la loi sur l’accessibilité numérique ?  

En soi, le référentiel n’est pas contraignant. Le document consiste en une liste de règles à appliquer pour qu’un site ou une application respecte ses obligations d’accessibilité.  

En revanche, plusieurs lois et décrets rendent aujourd’hui son application obligatoire.  

  • C’est d’abord une directive européenne de 2019, « l’Accessibility Act », qui donne les mêmes obligations en matière d’accessibilité à tous les pays membres.

  • En France, elle se traduit (en partie) par le décret du 24 juillet 2019, qui exige, entre autres, que les services en ligne de communication au public soient accessibles à tous, y compris aux personnes handicapées (plus de 14% de la population française en 2023). Mais la directive n’est qu’en partie traduite dans le droit français.
  • Qu’exige la loi ? Concrètement, en 2023, les sites visés doivent non seulement être accessibles à tous, mais ils doivent aussi afficher leur niveau d’accessibilité, sur leur page d’accueil.   

    Êtes-vous concerné ? À qui s’adresse la loi d’accessibilité numérique 

    Avant la publication du RGAA 4.0, la loi d’accessibilité numérique concernait « uniquement » l’administration publique et les collectivités territoriales.  

    Aujourd’hui, c’est aussi votre cas si vous êtes :  

    • un organisme privé chargé d’une mission de service public ou d’intérêt général. Soit une association ou entreprise qui mène un projet avec l’État.  
    • une entreprise au chiffre d’affaires annuel, en France, de 250 millions d’euros (soit des milliers d’entreprises en France). 

    Sanctions, baisse d’activité, amendes, que risquez-vous en 2023 si vous ne respectez pas le RGAA ?  

    Si vous appartenez à l’une des catégories évoquées plus haut, voici pourquoi vous devriez vous soucier d’appliquer le RGAA 4.1.  

    Les sanctions pénales 

    En 2023, la non-conformité vous expose à :  

      • jusqu’à 2000€ par an et par site non conforme d’amende administrative pour certaines petites organisations du secteur public  

      • jusqu’à 20 000€ par an et par site non conforme d’amende pour les autres catégories.  

      Une obligation sociétale : l’exemple des États-Unis 

      On ne plaisante pas avec le handicap ni l’accessibilité de l’autre côté de l’Atlantique. Pour faire respecter la loi dite « ADA » (American with Disabilities Act), les associations américaines n’hésitent pas à attaquer de très grandes marques…  

      En 2012, l’Association Nationale de défense des Sourds attaque Netflix, le géant du streaming. Sa plateforme n’offrait pas le sous-titrage nécessaire, dans la plupart de ses contenus.  

      En 2017, Nike se retrouve au tribunal pour violation de la loi : ses sites internet n’étaient pas du tout accessibles aux malvoyants. Impossible de les lire avec un lecteur d’écran, impossible donc de procéder à un achat en ligne pour des milliers d’Américains.   

      Depuis, de nombreuses autres actions ont été menées aux États-Unis contre Amazon, Burger King, Domino’s Pizza, Fox News Network ou encore le site officiel de… la chanteuse Beyoncé. D’ici à ce que les associations françaises portent plainte à leur tour, il n’y a que quelques pas.  

      La loi du référencement : ce qu’en disent les moteurs de recherche  

      Intégrer le contenu d’un PDF en langage HTML pour qu’il soit lisible par un logiciel de synthèse vocale, permettre une navigation au clavier, ces démarches sont essentielles pour garantir l’accessibilité de votre site. Mieux encore, certains points sont aujourd’hui repérés et valorisés par Google. À l’inverse, ne pas les respecter vous pénaliserait.  

      Voici quelques règles et outils d’accessibilité numérique basiques :  

        • Structurer votre page avec des balises hn (ou « heading » en anglais, pour les titres) ;  

        • renseigner les textes alternatifs ou « alt »… sous les images qui apportent une information (pensez à la personne qui visite votre site avec une synthèse vocale : a-t-elle vraiment besoin de la description de toutes les images et tous les logos ?) ; 

        • vérifier que vous utilisez bien le langage HTML pour votre contenu, et le langage CSS uniquement pour gérer la forme ou l’apparence.

        • Etc.  

      Sous le règne du SEO (l’optimisation pour les moteurs de recherches), l’accessibilité de votre site fait partie des critères indispensables à sa survie sur la toile.  

      Perte d’utilisateurs et risques concurrentiels  

      Vous pensez peut-être que vous avez le temps. L’accessibilité numérique, c’est très bien, mais ce n’est pas votre priorité.  

      Mais votre concurrent s’y est peut-être déjà mis. Et là, vous aurez du mal à rattraper votre retard.  

      Imaginez un peu. Vous avez un site marchand. Un utilisateur malvoyant qui utilise un logiciel de lecture d’écran fait ses courses sur internet. Il remplit son panier mais, au moment de régler sa commande, le logo des options de paiement n’a pas de balise « alt ». Son lecteur ne peut donc pas lui dire où payer. L’acheteur abandonne son panier et passe sur un autre site.   

      Non seulement, votre site risque de pâtir d’une mauvaise réputation mais, si sa structure n’est pas adaptée à un logiciel de ce type ou à une navigation au clavier, vous devrez le refaire intégralement pour vous mettre en conformité !  

      L’exemple n’est pas anodin : cela s’est produit avec des sites de vente en ligne, en France. C’est aussi ce qui a valu à Beyoncé de se faire attaquer en justice : ses fans ne pouvaient pas acheter de billets pour ses concerts, car son site n’était pas aux normes.  

      Or, si vos concurrents ont déjà pris le virage de l’accessibilité, ils marqueront des points à tous les niveaux. Excellent référencement en ligne, bonne réputation, conformité légale et, surtout, des mois d’avance sur votre site, si vous devez le repenser à la dernière minute.  

      Comment vous mettre en conformité avec la loi et le RGAA ?  

      Pour montrer que vous avez entrepris la démarche et que vous souhaitez vous mettre en conformité, vous devez afficher votre niveau d’accessibilité (totalement conforme, partiellement conforme ou non conforme à la loi ) sur votre site, en général en pied de page. Cette information est à compléter par la déclaration de conformité, qui détaille les anomalies détectées lors de l’audit d’accessibilité.

      Vous devez également y afficher votre schéma pluriannuel d’accessibilité (sur 3 ans). Un document qui précise, entre autres, les actions que vous envisagez pour vous mettre aux normes.  

      Pour remplir ces documents et faire votre déclaration, vous aurez besoin d’un audit de site.  

      Seuls des experts formés en accessibilité numérique pourront calculer votre pourcentage de conformité. Et vous dire comment entreprendre les prochaines actions.  

      Pourquoi demander une expertise de votre site ?  

      Il y a peu de chances que vous soyez formé(e) sur tous les points techniques liés à l’accessibilité de votre site. Par exemple, êtes-vous capable de vérifier que les technologies d’assistance puissent restituer correctement vos composants ?  

      À vous : vérifiez que vous n’êtes pas hors-la-loi. Vous pouvez demander ici l’avis d’un(e) expert(e) sur votre site.  

      « La priorité numéro 1, c’est de faire appliquer la loi actuelle »

      Protrait Marine Boudeau

      3 Questions à Marine Boudeau
      Responsable du pôle Design Gouv, haute-fonctionnaire au handicap et à l’inclusion.

      (Photo Vincent MAZALAIGUE)

       

      L’UE vient de juger la France coupable : elle n’a pas transposé à temps dans son droit national la directive européenne sur l’accessibilité numérique (Accessibility Act, 2019). Mise en demeure à l’été 2022… On en est où aujourd’hui ?

      M.B. :  On travaille dessus ! Cette directive concerne tout le secteur du privé et elle va être très impactante pour les entreprises. On a besoin de bien communiquer, de bien préparer tous les acteurs. La directive entrera en vigueur partout en Europe en 2025.

       

      Où en est-on légalement, sur la question de l’accessibilité numérique ? Des sanctions, des rappels à la loi ? 

      M.B. : Côté public, la DINUM n’a pas pour rôle de surveiller ni sanctionner, mais d’accompagner. La loi prévoit que le secrétariat d’État au handicap sanctionne les sites publics pour non-affichage de leur statut de conformité à l’accessibilité numérique. La question des moyens, des capacités et de l’autorité de la sanction est justement en cours d’étude. Elle sera rendue publique très prochainement. La priorité numéro 1, c’est de faire appliquer la loi actuelle !

      Pour ce qui est du privé, c’est déjà inscrit dans le droit européen et c’est très clair : oui, il y aura des sanctions pour le manque d’accessibilité. Donc, plus vite on sensibilisera les entreprises à ces enjeux, mieux elles pourront s’y préparer.  

       

      En-dehors des sanctions, y a-t-il des instruments « incitatifs » prévus pour accélérer la mise en conformité des sites sur cette question ?

      M.B. : Ces derniers mois, j’ai copiloté un groupe de travail national sur l’accessibilité numérique, dont les membres étaient constitués d’associations, d’entreprises privés, d’organismes publics et de représentants des collectivités. Nous avons balayé tous les enjeux, au-delà du secteur public. Nous avons préparé 28 propositions qui seront présentées au gouvernement et – certaines – au public, lors de la 23ème Conférence Nationale du Handicap (CNH, printemps 2023). À cette occasion, le gouvernement présentera un nouveau cap et de nouvelles ambitions pour les 3 prochaines années.     

       

      Rendez-vous au printemps 2023 pour voir les choses s’accélérer ?


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